ᒪᙓS ᙓᑎᖴᗩᑎTS ᑭᙓᖇᗪᙀS

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On les appelle les Enfants Perdus. Mais à mon avis, «Les Monstres Tueurs» conviendrait mieux.

Ce sont tous des gamins, à l'époque de 10 à 17 ans, échappés de l'orphelinat de ma ville.
Des gamins, entraînés pour tuer.

En six ans, on les a presque tous neutralisés. Presque.
Selon nos estimations, il ne reste qu'un Enfant Perdu. Et pas n'importe lequel : le plus fort, le plus âgé, et le plus monstrueux.

Erin Broadway.

C'est elle qui a tout manigancé. Elle avait 15 ans quand elle a fait sortir une douzaine d'orphelins de l'effrayant Orphelinat Renewal House. Mais elle en a désormais 21.

«Adolescente instable au comportement haineux, qui maîtrise l'art du combat à mains nues. Nombreux troubles psychiques, sauts d'humeur, et crises de nerf.
Cause de nombreuses bagarres et problèmes entre les représentants de l'autorité et les jeunes.
Elle reste cependant très intelligente pour son âge, et très rusée»

En lisant le court rapport de Renewal House sur Erin, j'ai compris que c'était la maîtresse de toutes les opérations.

Quelles opérations ? Pendant six ans, toutes les trois pleines lunes, un crime est organisé par les Enfants Perdus. Un cambriolage, une agression. Et même des meurtres. On compte huit assassinats à ce jour. Commis par des enfants.

Mes officiers de police ont bien du mal à se mettre en tête qu'ils doivent, en dernier recours, abattre des gosses.

-Shérif Stewart ? m'interpelle Turner, un policier cinquantenaire au bord de la retraite. Un café ?

J'acquiesce en prenant la tasse brûlante dans mes mains.

-Merci Robert.

-Du nouveau sur les Enfants Perdus ? demande-t-il à brûle-pourpoint. La pleine lune est...

-Demain, je le coupe. Je sais, oui.

Il jette un coup d'oeil à mon bureau recouvert de dossiers, de pages imprimées. Un bon bordel.

-Vous devriez prendre une pause, Paige, souffle-t-il soudainement. Je sais que vous voulez prouver que vous êtes faite pour ce poste, mais vous travaillez dix fois plus que n'importe qui ici.

Je m'assois lentement sur mon siège, en soupirant.
Robert est le vieux sage de la brigade. Je ne le remplacerais pour un fringant jeune homme plein d'assurance pour absolument rien au monde. C'est le premier à me soutenir, notamment dans l'enquête «Enfants Perdus».
Et aussi à me soutenir face aux personnes qui croient une jeune femme comme moi incapable de tenir la fonction de shérif de la ville.

-Robert. Vous savez depuis combien de temps il n'y a pas eu de meurtre ?

Il reste muet, attendant ma réponse.

-Neuf mois, j'annonce gravement. Vous et moi savons très bien ce qui se passe tous les neuf mois depuis six ans.

-Un meurtre... dit-il avec peine.

Je fixe le café noirâtre dans mon mug, et en bois une gorgée.

-Je ne veux pas que quelqu'un d'autre meurt par ma faute.

-Ce n'est pas votre faute, Paige.

-C'est la faute de mon incompétence ! je m'exclame en saisissant ma tête en mes doigts crispés. Je ne comprends pas, je ne comprends rien ! Pourquoi Erin fait cela, pourquoi la pleine lune, pourquoi tous les neufs mois, pourquoi ?!

Harris Robbin, un de mes collègues, alerté par le bruit nous rejoint.

-Shérif Stewart ? Agent Turner ? Un problème ?

-Non, je réponds, agacée. Je vais rentrer chez moi. Préparez-vous pour demain. Bonne journée Robert. Harris, je le salue poliment.

J'attrape mon sac, y fourre les dossiers les plus importants, et sors du commissariat en un temps record.

*

Je me décide à me coucher vers minuit, après avoir chercher toute la soirée qui pourrait être la prochaine victime.
Et je me réveille à 5h30, dans la seule optique de protéger quelqu'un d'une mort certaine.
Bien sûr, j'ai trouvé la constante. Erin s'en ai toujours pris aux proches des élèves de son ancienne classe, à l'école, avant que ses parents ne meurent brutalement d'un accident de voiture. A ce jour, deux jeunes hommes et une jeune femme tous âgés de 21 ans se retrouvent sans parents, et une autre, Rachel Sherman, sans sa mère et son grand frère, parce qu'ils ont été assassiné par des Enfants Perdus, au cours de ces six dernières années.

Ma seule piste serait que la prochaine victime soit le père de cette Rachel.

-Mais ce n'est pas logique... je murmure. Pourquoi aurait-elle fait tuer son grand frère avant son père ?

J'ai dû rester une heure à poiroter devant mon plan de crimes, puisque mon alarme quotidienne sonne.

Je m'habille en vitesse et me rend au commissariat, sur les nerfs.

Quelqu'un va peut-être mourir ce soir, et personne ne sait comment l'empêcher.

*

La journée fut éprouvante pour tout le monde. Mais pas autant que le sera cette nuit de pleine lune.

Sous la pression de mes supérieurs, j'ai ordonné la protection du père de Rachel.

Je dois d'ailleurs rejoindre la brigade de protection dans moins d'une heure, c'est-à-dire à 21h.

-Shérif ? lance une voix. La protection est en place.

-Bien. Assurez-vous que la connexion reste stable.

-Bien.

Je soupire stressée. J'ai l'intuition que quelque chose cloche.
Je sens Robert arriver près de moi.

-Tout va bien ?

-J'ai connu mieux. À vrai dire... je ne pense pas que Sherman soit la solution.

Il pose une main compréhensive sur mon épaule.

-Réfléchis bien ma fille, dit-il avec douceur et tendresse. Cette Erin est bien plus futée qu'elle n'y parait.

Le vieil homme me fait penser à un second père. Je souris.

Soudain, mon téléphone sonne, et je décroche en voyant le visage de ma soeur aînée s'afficher.

-Allô ?

-Allô, Paige ? C'est moi, je viens d'accoucher !

-C'est vrai ? Oh mon dieu... Félicitations !

-C'est...Incroyable ! Ton neveu est parfait.

-C'est parce que c'est mon neveu, je réponds fièrement.

-J'y crois pas... Ça fait neuf mois que j'attends ça, et il est enfin là !

Soudain, je tilte.

-Neuf mois... Oh mon dieu ! C'est ça ! Merci, merci soeurette, je... je te rappelle !

Je décroche sans attendre sa réponse.

-Robert ! J'ai... Je crois que j'ai compris quelque chose.

Neuf mois. Tous les neufs mois, Erin organisait un meurtre. Mais neuf mois, ça correspond au temps de grossesse.
Un bébé nait après neuf mois de gestation. C'est un moment de bonheur pour les parents, de commencer une vie heureuse avec leur enfant. Or, Erin n'a plus de parents, et n'a jamais vécu heureuse depuis leur mort.
Ça se tient...

J'explique rapidement ma théorie à Robert, qui hoche la tête en réfléchissant.

-C'est sûrement une raison. Mais ça ne t'aide pas beaucoup je me trompe...?

-Non, en effet. Mais ça signifie qu'Erin ne fait rien au hasard. Et ça m'aide beaucoup.

Je souris.
Ça ne sert pas à grand chose. Mais ça me met du baume au coeur.

-Robert, vous venez avec moi ?

-Avec plaisir.

On embarque dans la voiture de police, et nous dirigeons vers la maison Sherman.

Une fois garés, nous attendons.
Très longtemps.
Trop longtemps pour que ce soit normal.

-Ce n'est pas normal, dis-je.

Je sors de la voiture, et entre dans la maison.
Rachel Sherman était assise sur le canapé, et fusillait les policiers du regard.

-Shérif ! s'exclame-t-elle en me voyant. Pourquoi vous êtes là ? Tous ?

-Votre père est en danger Mademoiselle. Il pourrait être tué.

-Ce ne serait pas une grande perte, marmonne-t-elle.

J'écarquille les yeux.

-Pardon ?

-Ce ne serait pas une grande perte. Ce type est un crevard ! crie-t-elle a l'intention de son père.

-Cette fille est une petite pétasse, crache ce dernier.

Oh mon dieu. Serait-ce possible qu'on se soit trompés à un point inimaginable ?

-Rachel, Rachel vous devez répondre à ma question : vous et votre père vous détestez depuis combien de temps ? je l'interroge brusquement.

-Depuis la plus tendre enfance, répond-t-elle avec un sourire sarcastique.

-Est-ce possible que Erin le sache ?

-Oui, sûrement, je ne m'en cachais absolument pas.

On est dans la merde.

Je rentre à la voiture, paniquée.

-Robert, Erin ne viendra pas.

-Pourquoi ?

-Parce qu'elle sait que Rachel et son père se détestent.

Je démarre l'embrayage, et pars sur la route. Je ne sais pas où on va, mais on va.

-Erin... Erin ne va pas tuer Sherman... je répète.

-Ça semble évident maintenant... souffle le vieil homme. Erin est seule. Elle sait que si elle est attrapée ou meurt, les Enfants Perdus sont terminés, commence-t-il.

-Elle veut former d'autres Enfants Perdus... je comprends alors. Elle va aller les chercher...

Je freine brutalement, et la voiture pile net.

-l'Orphelinat !

*

Je montre mon badge aux directeurs, et ils me laissent entrer. Robert me talonne avec difficulté.
Une surveillante à l'air malsain nous dirige dans le bâtiment.

-Tous les enfants sont dans leurs dortoirs à cette heure là.

-Nous devons vérifier puis surveiller tous les dortoirs, j'annonce fermement.

-C'est inutile, lance-t-elle précipitamment. Je veux dire que c'est déjà fait.

-Nous devons vérifier.

La bonne femme s'apprête à parler, mais un petit môme l'interrompt.

-Ma-Madame Jeff-Jefferson, K-Kim se s-sent pas b-ien... bredouille-t-il, terrorisé.

-On va aller voir ça... dit-elle avec un air faussement gentil.

Le petit semble surpris, puis soulagé. On le suit, et arrivons dans un dortoir bondé de petits gamins.

Je sens que cette femme nous cache quelque chose. Discrètement, je m'éclipse.
Je marche silencieusement dans les couloirs, et écoute aux portes des dortoirs. Tout semble normal, jusqu'à ce que j'entende un étrange bruit. Comme des cris étouffés.

J'ouvre brusquement la porte du dortoir.
Des gosses d'environ 12 ans étaient serrés dans une petite pièce. Et au fond, Erin agitait un pistolet avec un sourire sadique.

*

Je sors doucement mon arme de son étui. Cependant, Erin n'était pas de cet avis. Elle saisit un enfant par le cou, et pointe un pistolet contre sa tempe.

-Partez. Partez où je lui explose la cervelle, ordonne-t-elle avec un grand calme.

Je pointe mon pistolet sur elle. Mais ça ne la dissuade pas. Je fais signe aux autres enfants de s'en aller, et ils s'enfuient les larmes aux yeux.

-Je sais que ce n'est pas ce que tu veux, dis-je.

-Tu ne sais pas ce que je veux, grogne-t-elle.

-Je sais que tu ne veux pas la mort de ces enfants. Parce qu'ils sont comme toi.

-C'est vrai. C'est vous qui n'êtes pas comme moi.

Immédiatement, elle pointe son pistolet sur moi, sans pour autant relacher son otage.

-Vous n'étiez pas la pariat de l'école. Vous n'êtes pas allez dans cette maison de l'horreur, crache-t-elle.

-Pourquoi avoir tué les parents de...

-Ils le méritaient ! Ils se moquaient de moi... Toujours... À l'école, je vivais un véritable calvaire. Seuls mes parents me soutenaient. Mais un jour... plus de parents ! murmure la jeune femme avec toute la peine du monde dans les yeux. Alors je suis arrivée ici. Dans cette prison de gosse. Punitions, coups, blessures, privations. Vous n'imaginez pas combien de fois ils enfreignent la loi... chaque jour.

Un silence pesant s'est installé durant son récit. Seuls les sanglots du petit garçon le brisait.

-Tous les enfants de mon dortoir étaient dans le même cas. Le dortoir 11, celui des "fous".

-Alors tu t'es évadée, en emportant tes camarades, je devine.

-Je les ai formés, entraînés à tuer. Je ne pensais qu'à une chose : me venger.

Ses prunelles luisaient d'un éclat fou.

-Cependant, s'ils arrivaient à mener à bien des cambriolages, ces gamins étaient incapables de tuer. J'ai dû me charger de chacun des meurtres.

-Et te venger des personnes qui se moquaient de toi à l'école.

Elle hoche la tête en riant d'un air dément.

-C'est ça. Tu as tout compris. Alors maintenant, tu peux me laisser mener à bien ma quête.

-Je ne peux pas, Erin. Et toi, tu ne peux tuer les gens.

Elle sourit. Elle s'en fiche.

-Si. Je peux même t'en faire la démonstration.

Elle posa son doigt sur la gâchette. Cependant, je ne pensais qu'à une chose. Sauver ce gamin.

Je sens une présence derrière moi. Je devine que c'est Robert, puisqu'il n'a fait aucun bruit.

-BAISSEZ-VOUS ! hurle-t-il.

Le gamin et moi nous jettons à terre, au moment où Erin appuyait sur la détente.

Le vieux policier tire à son tour, et sa balle se fige au milieu de la poitrine de la jeune femme.

Et la balle de la jeune femme se fige dans le crâne du vieux policier.

-NON !

Mon hurlement retentit dans la pièce.
Je me jette sur le corps de mon partenaire de travail.
Il est mort, Robert est mort.
Tout comme Erin.

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Voici un texte policier pour le concours de TrisPrior46

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