Les yeux clos, j'écoute le clapotis chloré. L'eau fraîche m'enlace de ses bras intangibles. Je flotte. Mon esprit cascade. Je lègue au liquide bleu tous mes soucis, mes amis, mes ennemis. Le silence absorbe mes ennuis, me soulage de mes serments. Je me prélasse et j'oublie. Je ne sais même plus qui je suis.

Je nage un peu pour me dégourdir et chaque brasse me déleste de quelques grammes de détresse. Plus rien n'existe en cet instant. Il n'y a que cette autre rive aux carreaux blancs. Alors je nage lentement. Pas de chronomètre, pas de paraître, ni ors ni courbettes. Je nage. Je nage et je m'allège.

Une porte grince. Quelqu'un approche. J'ai perdu notion du temps mais j'espère qu'il n'est pas déjà l'heure. J'ai un petit espoir, peut-être n'est-ce que la femme de ménage qui vient passer la serpillière. J'entends ces pas qui résonnent et se rapprochent. Mon corps frissonne, mon souffle s'accélère. Mais je nage. Je nage et ne regarde pas.

Je ralenti le rythme, diffère le moment. L'eau sèche me blesse, je fends les derniers mètres comme on traverse un désert. Je nage. Je nage mais l'espoir n'est plus là.

J'atteinds le rebord, y pose mes doigts. Je reprends mon haleine et puis je les vois. Noires et lisses, cirées comme il se doit. Marcher pieds nus ? Pas dans ce monde-là. Je ne sais pas si j'ose lever les yeux. Contempler l'ourlet de son pantalon, c'est bien assez comme cela. Il ne dit rien, alors j'attends. Juste encore un instant.

Je plonge les épaules dans l'eau miroitante. Comme si elle pouvait encore quelque chose pour moi. La fraîcheur m'enserre et mon souffle se relâche. Je n'ai pas davantage de courage, mais je sais qu'il est temps.

Alors je nage. Je nage dans son regard enveloppant. Il me protège tandis que je monte l'échelle métallique. L'eau m'aspire, mais je résiste. D'un geste il me revêt de mon peignoir rouge et de mes attributions. Sans le quitter des yeux, je me drape et je soupire.

Je me demande encore parfois ce qui m'a pris de vouloir être Présidente.