Os 43 : Professeurs - Terraink

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- Bonne journée Monsieur Itturalde !
- Merci, à toi aussi !

Le dernier élève ayant quitté la classe, le professeur de français referma consciencieusement la salle. Toujours un bonheur d'avoir des demies heures de cours : à lui trente minutes de tranquillité pour corriger ses copies.
Il déambula dans le long couloirs gris, ce dernier bordé de portes rouges et de casiers bleus. Il aimait flâner dans son lieu de travail, lorsqu'il se savait seul et libre. Comme un ancien fantasme de collégien, à être le seul à ne pas avoir cours.

Soudain, une voix se faufila, d'une porte entrouverte, jusqu'à ses oreilles. De l'italien. D'une voix qu'il ne connaissait que trop bien.
Doucement, il s'approcha de la pièce. Un cours d'italien. Donné par Damien Laguionie. Le professeur qui faisait rêver toutes les jeunes élèves. Et sans aucun doute, cet enseignant de français.

Omnibulé par les sonorités chaudes de l'homme dissimulé, le bouclé se laissait tomber contre le mur. Une oreille aux aguets, l'autre était pleinement concentrée sur le cours envoûtant.
Si seulement Damien pouvait lui parler dans cette langue, lorsqu'il lui proposait un café, dans la salle des enseignants. Les joues rouges, Thomas l'imaginait murmurer en Italien, la voix suave et aguicheuse. Lui expliquer son envoûtement, sa dévotion pour lui. Son désir qui grandissait.
Tout cela dans un dialecte étranger pour le plus petit, mais qu'il comprendrait grâce à la magie du moment.

Les minutes passèrent et il s'adonna à cet état second, perdu, follement agréable. Son coeur battait vite. Son sang chaud se répendait à toute vitesse. Décroché de la réalité, il n'existait plus que pour entendre Damien.

- Vous avez compris le cours ?

Le retour brusque à la langue française le sortit violemment de sa torpeur. Tandis que le plus grand expliquait les devoirs à ses élèves, Thomas regarda sa montre. Dix heures moins dix. S'il ne voulait pas se faire repérer par des collégiens, il devait y aller maintenant.

Serrant sa mâchoire, il fit un décompte dans sa tête et passa devant le cours d'Italien, les joues encore rougies par la passion qui l'avait animée.

- Thomas ! Viens donc voir !

Surpris, l'intéressé rougit un peu plus et s'avança dans la salle. Il s'arrêta près de son collègue et demanda :

- Qu'est ce qui se passe ?
- Ces fainéants disent qu'ils n'ont jamais vu le passif en français. C'est vrai ?
- Non. Dès la cinquièmes j'en parle.
- Voilà ! C'est bien ce que je pensais ! Parce que ces messieurs dames refusent d'apprendre leur leçon car "Ils ne l'ont jamais vu même en français".

Souriant et soulagé de ne pas avoir été surpris lors de son état second, Thomas expliqua, souriant :

- Ne mentez pas à vos profs. Ils parlent entre eux. Ce ne sont pas de simples êtres qui viennent vous faire cours puis rentrent chez eux.

Damien hocha la tête, admirant le charisme naturel du bouclé. Il avait encore enlevé ses lunettes. Le professeurs d'Italien ne les voyait sur son nez que lorsque Thomas corrigeait des copies. Le plus jeune devait alors se faire discret pour l'observer du coin de l'oeil. Dommage qu'il n'ait pas un peu plus confiance à lui pour les mettre plus souvent. Le grand rêvait de la lui redonner.

- Compris ?
- Oui Monsieur.

Les élèves n'avaient pas l'air franchement touchés, mais certains se donnaient au moins la peine de faire semblant.

- Sur ce je vous laisse. Travaillez bien et ne fatiguez pas trop votre prof !
- Au-revoir Monsieur Itturalde !

Commençant à tourner les talons, il se figea pourtant. Du fond de la classe, une voix s'éleva :

- C'est drôle comme Itturalde rougit quand il parle à notre prof.

Pour seule réaction, Thomas se teignit un peu plus de rose.
Damien, au contraire, répondit :

- "Monsieur Itturalde". Pas "Itturalde". Un peu de respect envers ce merveilleux prof de français, Mathéo.
- Pardon.
- N'empêche qu'il est encore plus rouge !
- Vous lui faites de l'effet Monsieur !

Éclat de rire général. Les enfants trouvaient visiblement la situation hilarante. Thomas beaucoup moins.

Le plus grand lui dit plus bas :

- Laisse les dire ce qu'ils veulent, ce sont les hormones qui les travaillent.
- Ne t'en fais pas, je l'avais déjà expérimenté.
- Peut être. Mais cette fois-ci, ça te touche beaucoup plus.
- ...comment ça ?
- T'es joliment rose.

Déstabilisé, le bouclé ne savait plus quoi répondre. Il fixa Damien, arborant un léger sourire. Ce dernier le questionna :

- Je me demandais....t'as quelqu'un ?
- À part mon chat, personne.

Un silence des plus profond régnait à présent dans la salle. Tous les adolescents étaient pendus aux lèvres des professeurs, attentifs.
Du côté du bouclé, son coeur battait la chamade. Il n'existait plus que pour parler avec Damien.

- Et toi ?
- Libre comme l'air.

Leurs yeux papillonnaient. Leurs peaux frémissaient.

- Ça te prend souvent d'espionner mon cours.

Le plus petit sentit son coeur louper un battement :

- C-comment ça ?
- Disons que tu n'es pas aussi discret qu'il n'y paraît.
- ...pardon.

Thomas avait l'envie irrésistible de s'enfoncer 10 pieds sous terre.

- Ce qui m'intrigue, c'est que tu ne pouvais même pas me voir de là où tu étais. Qu'est ce que tu faisais ?

Il avait été découvert et devait maintenant assumer. Parlant d'une petite voix honteuse, il déclara :

- J'écoutais ta voix.
- Ma voix ?
- Oui. Quand tu parles Italien...
- Je comprends mieux pourquoi tu étais rouge. Ça te plaît n'est ce pas ?

Thomas ne répondit pas. Il refusait de s'exprimer devant une classe entière.

- Évidemment que ça lui plaît !
- Embrassez vous !
- Votre gosse sera prof ?
- Au moins, on aura plus cours lorsqu'ils seront enceints !

Damien éclata de rire. Ses élèves n'avaient pour ainsi dire par la langue dans leurs poches. Mais voyant la gène grandissant chez le bouclé, il se tourna vers les étudiants :

- Pour une fois je vous libère plus tôt. Filez à votre prochain cours !

Heureux, tous se précipitèrent vers la sortie. Cependant, certains ne purent se retenir de clamer :

- Ne faites pas de cochonneries dans notre salle !
- Fermez la porte au moins !

Enfin seuls, les deux adultes recommencèrent leurs jeux de regards. Ils ne savaient comment exprimer la joie d'être enfin isolés.

- ...donc ça te plaît quand je parle Italien ?
- ...
- Bello
- ...
- Mio caro

C'en était trop. Le ton suave et le regard bleu perçant avaient eu raison de lui. Thomas en avait marre de se contenter de rougir toujours un peu plus. D'une poigne ferme, il agrippa la chemise blanche du plus grand et le plaqua contre son bureau. Le faisant s'asseoir, le bouclé monta sur lui et s'occupa enfin de ses lèvres, l'embrassant avec tant de forces que leurs dos en étaient courbés.

Partout dans le bâtiment raisonna la sonnerie. Cachant les clapotis des baisers et les murmures en Italien dans la H22.

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